lundi 6 février 2012

Recluses, de Séverine Chevalier


Recluses est un roman à lire deux fois. Non pas simplement parce qu’il est bon et qu’on aura plaisir à en goûter le style de nouveau une fois la dernière ligne passée, mais parce que la chute impose de revoir en grande partie la façon dont on a appréhendé le personnage principal. De le redécouvrir, en quelque sorte.
Recluses raconte l’histoire d’une femme d’une quarantaine d’années qui perd son bébé après qu’une jeune kamikaze se soit fait exploser dans un supermarché. C’est bien sûr un grand drame, de ceux dont on ne se remet pas, de ceux qui font se replier sur soi-même en coupant tous les ponts. Si l’enfant était mort pour une tout autre raison, de maladie par exemple, le roman aurait-il été différent ? Oui, parce que là, il y a une coupable, morte elle aussi, dont l’héroïne va s’efforcer de déterrer le passé. Elle part alors à l’aventure, enlevant au passage sa sœur lourdement handicapée, légume inerte et muet qui n’a plus guère que le cerveau capable de fonctionner. Petit à petit, on va découvrir en cette kamikaze une jeune femme sans histoires, normale, presque banale. Elle est douée pour monter des chevaux réputés indomptables, mais c’est à peu près tout ce qui sort du commun. Si, une chose : sa mère s’est suicidée, et cela a son importance. Au fur et à mesure que l’on avance dans le roman, la narration change, le rythme aussi. Le personnage de la mère éplorée, même s’il reste le « pilote » et le pivot de l’histoire, s’efface devant d’autres : la sœur handicapée, émouvante dans sa passivité lucide, un psychiatre qui exprime par écrit des regrets infinis dont on ne perçoit pas bien la raison, un couple étrange, le père de la kamikaze…Progressivement, une sorte de brouillard se met en place, modifiant la compréhension que l’on a de ce qui se passe et, pour finir, de ce qui s’est réellement passé.
C’est peu de dire que Recluses sort des sentiers battus. Cela ne plaira sans doute pas à tout le monde, c’est un livre « difficile » et je suis à peu près certain d’être passé à côté d’une bonne partie de l’essentiel, mais j'en retiens une belle écriture, soignée, travaillée, posant une histoire sombre dont on ne découvre la véritable portée qu'à la toute fin. Ça me donne envie d'aller fouiller les nouvelles écrites par Séverine Chevalier - dont c'est le premier roman - et aussi de rencontrer l'auteure pour lui poser mille questions. Non, j'exagère : juste une petite centaine...
Recluses est paru aux Editions Ecorce, après Bois de Fred Gevart et Retour à la nuit, d'Eric Maneval.

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