Ce livre, premier roman de François Thomazeau et paru en 1996, est épuisé. J'ai eu la chance de l'acquérir pour une poignée de centimes, en farfouillant dans les étals de GJ, "bouquiniste" du boulevard Saint-Michel parisien. Une veine, parce que ce roman m'a beaucoup plu. On y suit les pérégrinations d'un critique de rock marseillais plus ou moins raté qui va voir débouler dans sa vie l'incarnation d'un personnage imaginaire, Frankie Degun, qu'il avait lui-même inventé quelques années plus tôt. "Degun", à Marseille, cela signifie "Personne". La faute à degun, la faute à personne... Le critique de rock, avec l'un de ses amis, invente Frankie Degun sur un coup de tête, juste histoire de savoir si ses articles sont lus. Il faut croire que non, parce que personne ne s'émeut de ne pas rencontrer Frankie lors des concerts où il est annoncé, pas plus qu'on ne tique sur les appréciations dithyrambiques (et totalement bidons) que lui octroie son créateur. Jusqu'au jour où un Frankie Degun en chair et en os débarque... Et celui-là est réellement au top.
Il va s'ensuivre une embrouille noire et corsée, mais chut... J'aime les personnages qui passent leur temps à déambuler en ville. Le genre de type qui connait tous les bistrots, tous les habitués de ces bistrots, tous les bons plans. Et les plans foireux, aussi... Les gentils et les pourris se croisent, les gros durs peuvent avoir le cœur tendre et les ennuis arrivent rarement de là où on les attend.
Bref, un excellent bouquin, qui mériterait de repasser par la case imprimeur...
Thomazeau et Carrése ont été publiés en premier lieu par un éditeur corse qui n'éxiste plus: Editions Méditorial, collectio Misteri. Une auteure corse Elysabeth Milleliri a même obtenu le prix Calibre 38 dans cette collection avec son ouvrage "Tombeau de famille". Quant à Carrèse, le livre publié par Méridional "Le bal des cagoles" vient d'être réédité chez L'écailler... L'éditeur corse l'avait publié avant Total Kheops de Jean-Claude Izzo, mais c'est ce dernier qui a conquis la capitale.
RépondreSupprimerPlusieurs polars de Thomazeau ont été publiés par cet éditeur ajaccien.
J'ai eu l'occasion de regarder les "nouveaux" L'écailler, dont Le bal des cagoles. Plus qu'alléchant et j'y viendrai bientôt. Pour Izzo, j'ai préféré Chourmo et Solea à Total Kheops, mais mon préféré est Le soleil des mourants. Je ne sais pas pourquoi il est moins souvent cité que les autres...
RépondreSupprimerEn ce qui concerne Jean-Claude Izzo, je te conseille "Les marins perdus" ( Flammarion)
SupprimerVoici l'incipit: " Marseille, ce matin-là, avait des couleurs de mer du Nord. Diamantis avala, vite fait, un Nescafé dans la salle commune déserte, puis il descendit sur le pont, en sifflotant "Besame mucho", l'air qui lui venait le plus souvent à l'esprit. Le seul qu'il sût siffler aussi. Il sortit une Camel d'un paquet froissé, l'alluma et s'appuya au bastingage. Diamantis, ça ne le gênait pas, ce temps. Pas ce jour-là, en tout cas. Dans le réveil, il avait le moral poissé dans la grisaille. Il laissa son regard errer sur la mer, vers le large, pour tenter de repousser ce moment où, comme chacun des marins de l'Aldébaran, il lui faudrait prendre une décision. Décider, c'était pas son fort. Depuis vingt-cinq ans, il se faisait porter par la vie. D'un cargo à un autre. D'un port à un autre..."
Il s'agit d'un marin sur un cargo bloqué sur le port autonome de Marseille...
La vie de ces marins sent bon l'embrouille mais aussi l'amitié simple, le chagrin, la sueur, l'amour épicé d'emmerdes. J'avais lu dans une critique une belle phrase pour ces marins qui, loin de chez eux, bloqués tout près des vagues par dérision sur décision du tribunal de commerce: "la vie a des yeux merveilleux mais sales, d'une saleté qui colle au destin. Leur histoire est commune, leurs peuples communément voisins sur les même rives de la même mer, tandis que leur devenir commun reste chimérique; sauf dans le vert-obscur des eaux du port où, hors leur présence, seuls les coquillages s'accrochent encore à leur bateau."
Le quai des marins perdus est un autre Quai avec un autre crépuscule sur la Digue du Large, rampe de lancement ver l'imaginaire lorsque le bateau jette l'ancre. Heureusement,ici, il y a la mer et les îles lointaines.
Ce livre a été adapté au cinéma avec Girodeau dans le premier rôle. Pour moi, chez Izzo, les adaptations cinématographiques réalisées dénaturent ses écrits.
Izzo est surtout connu pour sa trilogie noire de Fabio Montale. Auparavant il écrivait de la poésie et quelques poèmes ont été publiés dont des recueils comme "Loin de tous rivages" et "L'aride des jours".