Il y a des romans que j’ai plus que d’autres plaisir à déguster en prenant mon temps. Un, deux, trois chapitres, une pause de quelques heures, d’un jour ou davantage, et c’est reparti, je retrouve intacts les personnages, l’ambiance, l’intrigue. Des chapitres courts qui forment un tout, qui font avancer petit à petit en alternant les lieux et les acteurs, les moments d’action et de réflexion, qui apportent chacun son lot de questions et de réponses, sans qu’à aucun moment on ne se retrouve perdu ou contraint de revenir en arrière.
Carrières noires fait partie de ces romans-là. Il n’y a pas une intrigue, mais plusieurs. Qui est ce fou qui erre et se terre dans les carrières, qu’y cache-t-il et pourquoi ? Qui a assassiné la richissime tante d’un probable futur président de la République ? Deux jeunes enfants disparus, un décès très suspect a priori sans aucun rapport, un cambriolage et au cœur de l’agitation qui en découle, trois femmes d’un milieu disons « populaire » embarquées dans une histoire qui les dépasse, mais qui ne leur fait pas perdre l’objectif qu’elles se sont fixé : devenir propriétaire de leur petite maison au bord de la mer…
Si l’on peut considérer que Léoni, ex commandant de police déjà présent dans les précédents romans d’Elena Piacentini, est le « héros » et la légiste Eliane l’héroïne, le personnage le plus marquant de Carrières noires est Josy, femme de ménage qui n’a pas sa langue dans sa poche et ne lâche pas le morceau tant qu’elle n’est pas parvenue à ses fins… Comme le fait dire Elena Piacentini «Elle a rien entre les jambes, c’est sûr, hein ! Mais y aurait quand même la place pour y mettre au moins deux paires !». D’autres personnages que l’on croise dans les pages de Carrières noires sont eux aussi attachants. Le patron du bistrot du coin, drôle et très « vrai », est particulièrement réussi. Les deux enfants, enlevés dans les carrières, sont touchants. Mémé Angèle, la « sage » grand-mère corse, est présente, en arrière-plan. L’histoire a de multiples facettes qui toutes tiennent la route, avec des destins bien différents qui se croisent sans forcément se rejoindre. C’est là l'une des forces de ce roman : réunir le temps d’une lecture des hommes, des femmes, des enfants, des bons et des méchants, des « petits » et des « grands » que rien ne dispose a priori à se rencontrer. Un peu comme ces carrières noires et leurs inextricables galeries souterraines qui relient entre eux tous les lieux de cette petite ville de la banlieue lilloise.
Le seul reproche, anecdotique, que je formulerais provient justement d'une des qualités du roman : les personnages, nombreux, sont très réussis, et j'aurais aimé en savoir davantage sur l'homme-ombre, sur le neveu ou la tante, sur le passé des deux enfants, bref sur tous ces gens intéressants avec lesquels j'aurais apprécié de passer plus de temps. Les carrières noires gardent à la fin du livre une part de leur mystère et c'est quelque part tant mieux : il y a matière à en faire d'autres histoires.
Carrières noires, d'Elena Piacentini
Editions Au-delà du raisonnable
A visiter : Le blog du commandant Léoni et Livresque du noir, où l'auteure en parle...
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