Psychose, sur le site de Moisson Rouge |
Les éditions Moisson Rouge ont eu la bonne idée de publier une nouvelle traduction française du très célèbre roman de l'américain Robert Bloch. Traduction signée Emmanuel Pailler, qui est loin d'être un novice en la matière puisqu'il a (entre autres) traduit Lovecraft et Westlake. Cela me semble important (nécessaire !) de citer le traducteur, d'une part parce qu'on l'oublie souvent (ce qui, d'une certaine façon, est une marque de la qualité de son travail), mais aussi parce que c'est à lui que revient la lourde charge de "faire passer" une ambiance, un ton, en choisissant phrase après phrase LE mot qui convient.
On ne présente plus Psychose, qui a donné lieu à la célèbre adaptation cinématographique d'Hitchcock (la scène de la douche !). Quoique. Le temps passe vite, le film a déjà plus de 50 ans et c'est peut-être l'occasion pour une nouvelle génération de cinéphiles de le découvrir. Très bonne idée, mais ce serait dommage de ne pas lire le livre avant de savourer l'adaptation à l'écran. Il faut prendre les choses dans l'ordre, surtout quand elles sont bonnes...
En ouvrant Psychose, je me suis demandé comment un tel livre avait vieilli. En 1959, Internet, les téléphones portables, toutes les technologies qui nous semblent naturelles aujourd'hui n'existaient pas, même en rêve. La police scientifique ? Hors sujet, surtout au fin fond des Etats-Unis. On est dans l'univers des shérifs qui font ce qu'ils veulent bien faire, quand ils ont envie de le faire, et si ça ne cause pas de "turbulences" dans le train-train de leur circonscription. Eh bien Psychose a parfaitement passé le cap de la cinquantaine. Peu importe ici les techniques, les gadgets, l'ADN. Peu importe l'enquête, elle est secondaire. On est dans le psychologique, dans l'humain (et même, l'inhumain...) Dès le départ, le ton est donné, l'ambiance est installée : on est dans l'étrange, dans le glauque qui ne s'exprime pas, ne se décrit pas à grand renfort d'adjectifs, d'adverbes et autres artifices. Un motel déserté par les clients, parce que trop loin de la grand-route. Un tenancier un peu spécial, mais c'est bien normal, hein, lui qui vit désormais quasiment seul avec sa mère devenue folle. A moins que ce soit le contraire. A moins que ce soit autre chose. Il ne faut pas ici raconter l'histoire, ce serait dommage, mais disons seulement que cette ambiance particulière va durer, s'amplifier sans vraiment se préciser, tandis que le doute s'installe dans l'esprit. Qui dit vrai ? Qui ment ? Qui affabule ? Qui a mal compris ? Chut...
Cette traduction vaut le coup d'être lue, même par ceux qui ont vu le film, ne serait-ce que parce qu'un tel livre a sa place dans toutes les bibliothèques. Et puis un film, même si c'est un chef-d'oeuvre, n'est qu'une interprétation du texte, qui lui a autant de variantes qu'il a de lecteurs...
Une précision importante : le livre est préfacé par Stéphane Bourgoin, éminent spécialiste du crime. La préface apporte un éclairage intéressant sur le fait divers qui a inspiré Robert Bloch. Il contient aussi un entretien entre Stéphane Bourgoin et l'auteur (Bloch est décédé en 1994) qui fournit des détails "pittoresques" sur la façon dont le cinéaste a "exploité" l'oeuvre de l'écrivain américain. Conseil à tous ceux qui n'ont pas vu le film (ou lu le livre) : ne lisez pas cet entretien avant d'avoir terminé le roman : il contient des éléments de nature à gâcher le suspense et ce serait dommage parce qu'on a là entre les mains un livre culte.
A voir aussi : le site des éditions Moisson Rouge , le blog du traducteur.
J'ai beaucoup aimé cette lecture, et bien fait de zapper le passage du fait divers relaté par S. Bourgoin, car mes souvenirs du film étaient lointains.
RépondreSupprimerOui, c'est mieux de zapper, et de lire ce passage après. Je crois que la lecture du livre me donne envie de revoir le film...
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