dimanche 17 août 2014

La rose est sans pourquoi, de Jean-Paul Ceccaldi

La rose est sans pourquoi
Editions Ancre latine 2014
[...] Il n'est que dix-sept heures et le soleil, intermittent du spectacle céleste, a dû déjà basculer à l'ouest [...]

Jean-Paul Ceccaldi a le sens de la formule. Dans un style toujours sobre, il a le chic pour mettre le bon mot au bon endroit, même et surtout lorsqu'on ne l'attend pas. En pleine scène d'arrestation (domaine qu'il connaît sur le bout des doigts), par exemple :
"Antoine vient de lui faire lâcher son fusil et lui intime l'ordre de s'allonger sur l'herbe. Comme il n'obéit pas illico presto, mon compatriote s'exclame "Mi rumpi i santissimi" en ajustant son coup de genou dans les roubignolles du grand échalas [...]".
La note de bas de page traduit : "Mi rumpi i santissimi : Tu me casses les saints sacrements."
De la classe jusque dans les jurons.

La rose est sans pourquoi démarre par la première partie d'un journal intime, destinée à un commissaire de police (corse, ça a son importance) du célèbre 36. Ce n'est pas en soi d'une grande originalité, mais la personnalité du rédacteur intrigue d'emblée. L'homme se dit "méchant". Méchant au point de tuer et de vouloir recommencer, mais aussi méchant fondamentalement, sans véritable raison, ou plutôt pour des raisons qu'il ignore. C'est le "pourquoi" de "la rose est sans pourquoi". Il est méchant sans "pourquoi". Vraiment ? Ça, on le saura à la fin. Toujours est-il qu'en temps normal, les méchants ne se demandent pas pourquoi ils sont méchants, tout comme les gentils ne se demandent pas pourquoi ils sont gentils... Jusqu'au bout, et sans doute pour cette raison étrange, ce tueur "méchant" (et bourré d'autres défauts) ne m'a jamais semblé vraiment méchant. Et pourtant...
Le roman se poursuit par l'enquête menée par le commissaire destinataire de cette drôle de missive. Les crimes sont annoncés, ils vont se réaliser, et l'on se doute vite que le commissaire lui-même est sur la liste des victimes. Un scénario de thriller qui pourrait vite sombrer dans le "déjà lu cent fois", sauf que Jean-Paul Ceccaldi ne signe pas là un thriller mais un roman d'enquête, sauf que Jean-Paul Ceccaldi a derrière lui une carrière de flic, sauf que Jean-Paul Ceccaldi n'a aucun besoin de faire dans la surenchère morbide. Même dans une pure fiction, il colle à la réalité, cela sonne juste et c'est cela qui me plaît.
Décidément, après Porte ouverte de Jean-Pierre Lovichi, lu récemment, la "moisson" 2014 du festival du polar corse est de qualité. Je vais lire dans la foulée 2 romans de Florence Bremier, dans un genre encore différent (la mythologie et l'humour), et on annonce pour la rentrée le deuxième roman d'Anouk Langaney (j'en salive à l'avance, mais vu qu'il y sera question de cannibalisme, c'est peut-être mal à-propos...).

A noter que le commissaire Difrade est un personnage récurrent. Dit le "Flicorse", on peut le retrouver dans d'autres aventures du même auteur.


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